Les interprètes communautaires en supervision

par Georges Rais | 1 octobre 2023
catégories : NL2-2023

En trialogue, il arrive que l’interprète soit amené-e à traduire des paroles saturées en émotions, qui reflètent des souffrances parfois indicibles. Ces paroles font brutalement irruption jusque dans le soma et se prolongent dans un sentiment de tristesse, de frustration, d’impuissance à aider qui percute l’image de soi, réveille les fantasmes et parfois même les pulsions destructrices. C’est ce vécu que l’interprète met en délibéré au sein du groupe de supervision.

Principes éthiques et « bonnes pratiques »

Le groupe de supervision s’attachera dans un premier temps à mettre la situation en lien avec les principes éthiques régissant l’interprétariat communautaire : multipartialité, confidentialité, transparence, clarté des rôles, professionnalisme.

Au terme de cette réflexion, il est souvent démontré que l’interprète a agi dans le respect des '’bonnes pratiques’’. Cependant, la charge affective ne s’est pas allégée, les interrogations du domaine de la culpabilité voire de l’agressivité n’ont pas trouvé de réponses.

Le paysage émotionnel

L’outil de l’interprète est sa personne, il fait face à ses propres émotions et est confronté à la nécessité de tenir le juste milieu. Le trop et le trop peu d’émotions génèrent des risques qui échappent à la maîtrise du processus :

· Les affects

Trop d’affects est ressenti comme envahissant, paralysant. La mise à distance de l’affect provoque chez le bénéficiaire un ressenti de froideur.

· L’empathie

L’excès d’empathie évolue vers la contagion émotionnelle, biaise la traduction des sentiments. Le manque d’empathie peut générer un ressenti de rejet.

· La résonance culturelle

Lorsque la résonance culturelle est exacerbée, elle crée un conflit de loyauté. La mise à distance du lien culturel provoque la méfiance, voire l’hostilité.

· La fidélité de la traduction

« Vous êtes là pour traduire et non pour interpréter ! » dit le Juge ! Soumis à cette injonction, l’interprète est tenté de pratiquer une traduction littérale qui occulte la dimension interculturelle. Si au contraire l’interprète force le trait dans l’interprétation communautaire, il-elle induit en erreur le professionnel et le bénéficiaire.

Pistes pour agir

Amené à accompagner les interprètes en supervision, je suggère – dans un article plus détaillé* - quelques pistes d’action pour comprendre et apprendre à réguler les émotions liées à leur pratique professionnelle.

*La version intégrale de cet article figure ici.

Georges Rais, Lic. phil., Superviseur ARS


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